Dictionnaire amoureux de la France - [40]

Шрифт
Интервал

: Moulinsart), et aussi perfectionniste, Hansi vouait un culte à un génie d’essence supérieure : Thomas Grünewald, l’auteur du rétable d’Issenheim qui n’en finira jamais d’éberluer les historiens de l’art. Colmar a tous les atouts dans son jeu : c’est probablement la plus belle préfecture de France et elle héberge ce joyau inclassable. Hansi vouait aussi à la France un culte intransigeant qu’elle n’a pas toujours mérité. Quant à l’Alsace, le grand amour de sa vie de célibataire, elle lui doit en partie l’émotion que ressentent les Français « de l’intérieur » quand ils voient poindre dans un ciel bleu horizon le clocher de la cathédrale de Strasbourg. L’Alsace de Hansi est peut-être une imagerie, mais il faudrait être ingrat et maso pour s’en émanciper (voir : Lettres de mon moulin [Les])

Henri IV

Avant ses cinq républiques, ses deux régimes impériaux et quelques parenthèses qu’il vaut mieux oublier, la France a eu des rois. De grands rois, des bons, des médiocres, des mauvais, des cinglés. Le plus populaire est mon préféré ; en quoi je suis un Français très ordinaire. Nous vénérons Saint Louis, nous admirons (ou pas) Louis XIV, nous plaignons (ou pas) Louis XVI. Nous aimons Henri IV. En vérité sa légende ne remonte qu’aux historiens de la III>e République et, de son temps, il a eu pas mal d’ennemis, même après l’abjuration à Saint-Denis, le sacre à Chartres, et l’entrée victorieuse à Paris. Avant Ravaillac, il a risqué plusieurs fois d’être assassiné et les ultras du protestantisme le haïssaient autant que ceux de la Ligue. Reste pour nous — pour moi — l’imagerie du « bon roi Henri », sagement conseillé par le « bon » Sully ; l’image d’un Gascon rigolard et pas hautain, pas cruel non plus, encore moins sectaire (édit de Nantes). Un Gascon joueur et chamailleur, au menton en galoche et à la barbe taillée, dont l’haleine sentait l’ail, ce qui plaide en sa faveur. Un chaud lapin de nos garennes qui sautait à cru soubrettes ou duchesses, et d’aussi bonne grâce. Margot était stérile, comme toute la postérité d’Henri II, mais la grosse Médicis lui a donné six enfants, auxquels il faut adjoindre trois bâtards redevables à Gabrielle d’Estrées, trois à Catherine d’Entraigues, deux à Charlotte des Essarts, un à Jacqueline de Bueil. Ce qui fait neuf, sans compter les autres.

Durant les guerres de partisans, Henri de Navarre a arpenté avec sa bande un royaume qui n’était pas encore le sien. Quinze années de guérilla. On est fondé à supposer qu’il semait des gosses à tous vents, c’était sa façon d’honorer les lieux. Sur le pont d’Argentat, au bas de mon plateau, une plaque signale son passage ; les familles de toute la contrée peuvent s’adjuger un peu de son capital génétique. En extrapolant, du sang des Bourbons et des rois de Navarre coule au moins symboliquement dans les veines de chaque Français, il nous a tous anoblis.

Le panache blanc, la poule au pot, le Vert-Galant, « Paris vaut bien une messe », le givry, son vin préféré, Ravaillac : avec ce salmis d’histoire et de mythologie, l’imaginaire collectif a fait un roi sans majuscule, truculent, bon vivant et sympa. Ce qu’il était, bien que roué, et retors à l’occasion. Ardent au combat, prudent et patient dans sa conquête de la couronne, il aura eu aux moments cruciaux l’intuition de ce qu’était la légitimité, et de ce que pesaient les minorités. D’une certaine façon, tous nos grands politiques depuis Richelieu jusqu’à de Gaulle ont gouverné dans le droit fil de son pragmatisme, contre les ultras des deux bords, contre les Grands de tous les bords.

Hexagone (L’)

Tellement rassurant, l’Hexagone, inscrit dans ce cercle imaginaire dont le centre serait Bruère-Allichamps, près de Saint-Amand-Montrond, en ce pays de Boischaut si raisonnablement boisé et vallonné qu’il est un peu plus français que nature. Presque régulier malgré ce Cotentin qui se hausse du col, ce trident au bout de la Bretagne qui semble défier l’Amérique, les pointes sèches de Port-Vendres, du col de Tende et de Lauterbourg, le doigt de Givet, l’incursion abusive de Genève au bout du Léman, excessive du golfe du Lion au bout du Rhône.

Bordé comme un enfant par une mère attentive : des montagnes, des mers, un océan. Il y a juste cette ouverture plane sur la Belgique, qui nous a valu des ennuis sans nombre. Mais qui a permis la mise au monde de la France, puis la mise en couveuse à Tournai et à Aix-la-Chapelle. Il y a aussi la Corse pour qu’il soit dit que la France sait nager.

Au fond, c’est un abrégé du vaste monde : des Flandres, une germanité, plusieurs latinités, une océanité et au centre un gros massif dont les pentes vertes glissent vers des prairies grasses. Tout ça bien enclos. Le destin nous ayant aussi richement pourvus, qu’irions-nous chercher hors de l’Hexagone ? Nos croisades foireuses, nos brefs empires et nos rares émigrations reflètent moins une vocation nationale qu’un accès d’orgueil ou d’idéal. Parfois une simple curiosité. C’est la faim ou les persécutions qui ont peuplé de Français des coins de Canada et d’Afrique du Sud, un recoin du Mexique, plus tard l’Algérie. On est rarement allé en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie de gaieté de cœur et le fantasme tahitien n’a expatrié que de rares chimériques dans le sillage de Gauguin. La Riviera le rémunère tout autant. Des Corréziens se sont exilés par nécessité en Belgique, des Cantalous en Espagne, mais, fortune faite ou pas, ils revenaient mourir au pays. Aussi nos marins, nos explorateurs, nos missionnaires, nos aventuriers n’ont-ils fouetté qu’incidemment notre imaginaire. Avec ses formes équilibrées et son apparente quiétude, l’Hexagone suffit à notre bonheur. Il le circonscrit. Granit ou grès, ardoise ou tuile, oc ou oïl, blé ou olivier : à notre bon choix. Sombritude des forêts, moutonnements des vignobles, vents rageurs de l’Atlantique, lumière qui dessine les cyprès et les mas : entre genièvre et pastis, l’Hexagone fait ses synthèses au bord de la Seine après les avoir ébauchées au bord de la Loire. D’où l’autosuffisance de nos rêves. Nul ne nous le reproche, c’est toujours le Français qui vitupère notre pente aux « replis hexagonaux ». Nos voisins envieraient plutôt ce cocon presque rond et si moelleux. Il y a tout ce qu’un mortel peut désirer à l’intérieur de l’Hexagone, même l’exotisme, il suffit de prendre la route ou le train, à la rigueur le bateau pour aller sur nos petites îles. Car nous avons même des îles, des vraies et des tricheuses — Ré, Oléron — qu’un pont relie au continent, comme si l’isolement leur pesait. Que pourrait-on ajouter ? La Wallonie, le Jura francophone ? L’esthétique en pâtirait. D’ailleurs Napoléon s’y est risqué, ça n’a pas très bien marché. La seule anomalie, ce sont les îles Anglo-Normandes ; elles auraient dû nous revenir. Chausey, c’est charmant, mais on en a vite fait le tour. Quant au Léman, il est à nous autant qu’aux Helvètes. Vraiment nous n’avons rien à annexer, rien à retrancher, l’Hexagone est un aboutissement parfait. Quel plaisir de regarder, dans les livres d’histoire, ces planches où l’on montre les étapes de son épanouissement, qui tantôt paraît inéluctable, tantôt miraculeux.


Рекомендуем почитать
При дворе русских императоров: Произведения Михая Зичи из собраний Эрмитажа

Из колоссального количества рисунков М. Зичи, хранящихся в Эрмитаже, для выставки отобраны 105 произведений. Большая часть их носит официальный характер, отражая деятельность Зичи как придворного художника, выполнявшего заказы Двора на протяжении многих лет. Поскольку интерес к театру при Дворе был велик, в каталоге приводится серия рисунков, посвященных театральным постановкам и шарадам. В состав выставки вошли также некоторые жанровые зарисовки, сделанные на досуге для себя или частных лиц. Авторы каталога приносят глубокую благодарность научному сотруднику Эрмитажа Сергею Альбертовичу Летину, оказавшему помощь в идентификации ряда персонажей.


Хайборийский мир: 500 лет после Конана

В книге рассказывается история главного героя, который сталкивается с различными проблемами и препятствиями на протяжении всего своего путешествия. По пути он встречает множество второстепенных персонажей, которые играют важные роли в истории. Благодаря опыту главного героя книга исследует такие темы, как любовь, потеря, надежда и стойкость. По мере того, как главный герой преодолевает свои трудности, он усваивает ценные уроки жизни и растет как личность.


Обществознание: Шпаргалка

В шпаргалке в краткой и удобной форме приведены ответы на все основные вопросы, предусмотренные государственным образовательным стандартом и учебной программой по дисциплине «Обществознание».Книга позволит быстро получить основные знания по предмету, повторить пройденный материал, а также качественно подготовиться и успешно сдать зачет и экзамен.Рекомендуется всем изучающим и сдающим дисциплину «Обществознание».


Брэнсон Ричард  - владелец Virgin

Перед Вами статья из особого сборника, в котором есть сведения не только о самых богатых людях современности, но и тех, кто явился «основоположниками» данной категории населения, - исторические личности, основатели крупнейших богатейших компаний и т. д Этот цикл статей посвящен создателям всемирно известных брендов, самыми богатыми людям в своих узких кругах, например - спортсмены, актеры, политики. И, конечно же, в этом списке нашли свое место российские олигархи и бизнесмены.Одни мечтают стать богатым и жить в достатке, другие порицают людей, которые стремятся к личному материальному успеху.


Похмельная книга

Ободряющее пособие для пьющего, пившего, собирающегося выпить…Поразительная история — такой книги в России не было. Нет, конечно, были всякие рецепты, анекдоты про пьянства, правила этикета, рассуждения о том, что такое правильное питие, а что — неправильное, злостное. Никто не написал слов, которые бы ободрили пьющего, пившего, собирающегося выпить человека в эту, безусловно, трудную минуту его жизни. Один умный приятель парафразировал: не пить в России — больше, чем не пить. Представляете, что значит пить в России — насколько это больше!


Телефонный компас

В книге рассказывается история главного героя, который сталкивается с различными проблемами и препятствиями на протяжении всего своего путешествия. По пути он встречает множество второстепенных персонажей, которые играют важные роли в истории. Благодаря опыту главного героя книга исследует такие темы, как любовь, потеря, надежда и стойкость. По мере того, как главный герой преодолевает свои трудности, он усваивает ценные уроки жизни и растет как личность.