Dictionnaire amoureux de la France - [38]
La puissance n’est pas la grandeur. Le rayonnement « culturel » non plus. Historiquement, la grande peinture occidentale est italienne puis flamande, la grande musique italienne et allemande, la grande métaphysique allemande. Les trois écrivains majeurs de l’Occident « moderne » — Dante, Shakespeare, Cervantès — ne sont pas français. Ni Darwin, Marx, Nietzsche, Freud, Einstein qui ont pétri les contours de la conscience occidentale, et orienté le cours de l’Histoire. C’est l’Amérique qui nous a donné le western et le blues, versions « modernes », populaires et profanes de la chanson de geste et du grégorien. Et c’est avec une curieuse ingénuité que nous nous approprions La Joconde du Louvre, l’obélisque de la Concorde et Tintin. On peut se demander à quoi rime cette grandeur dont le souci nous taraude jusqu’à nous faire sombrer dans un désarroi nauséeux ? Comme si nous n’avions que cette alternative : orgueil d’être français ou morosité grinçante et ricanante. Orgueil nourri par l’invincible certitude que la France est le sel de la terre, et se doit de le rester. Rien de plus déraisonnable, et pourtant rien de mieux enraciné. Nos premiers rois ont voulu que la France fût à la fois la « fille aînée de l’Église » et l’héritière de l’universalisme romain. C’était viser plus haut que le nombril de leur mini-royaume. Le sacre à Rome de Charlemagne, les croisades, l’idéalisme de Saint Louis, l’étrange mysticisme de Jeanne d’Arc, les périples italiens de Charles VIII et de Louis XII, le faste de François I>er, la majesté de Louis XIV, le prophétisme des Lumières, la folle bravoure des soldats de l’An II, l’épopée impériale, l’aventure coloniale, la saga gaullienne, ces tranches d’Histoire dorées et sanglantes procèdent d’un désir impérieux de hisser la France au-dessus de ses capacités vérifiables. Elles conspirent à une arrogance qui exaspère nos voisins. Et parfois les sidère. Dans l’inconscient du Français le plus obtus, survit le fait que Versailles donnait le ton, que sous Louis XV les chancelleries parlaient français, que Napoléon a toisé les Pyramides avant de dormir dans le lit des tsars et que de Gaulle, avec une armée fantoche, a imposé la France à des alliés qui n’en voulaient pas. Il postule une exemplarité irrationnelle et confuse, mélange de bravoure empanachée et de missionnarisme idéal qu’aucune victoire sportive ou économique ne saurait traduire. Le Français de base a admiré les « French doctors » de MSF pour la gratuité de leur activisme au Biafra, et Zidane parce qu’il incarnait davantage que l’excellence footballistique. D’où son insondable mélancolie si la France se complaît dans une prospérité pacifique et se résigne à produire, consommer et exporter. D’où sa hargne, son mépris puis son rejet des gouvernants « raisonnables ». Ils ont mis la barre à l’altitude de nos désirs, de nos pulsions, de nos hantises alors qu’il faut, pour ne pas nous humilier, la placer quelque part entre la glèbe et les étoiles. À ce prix seulement le chef mérite notre estime, même s’il se fait rétamer dans les urnes comme de Gaulle en 1969. Après tout, Vercingétorix et Napoléon ont perdu la bataille capitale, Saint Louis a loupé ses croisades et Jeanne d’Arc a péri sur un bûcher. Ils restent nos héros tandis que les Guizot qui encombrent nos manuels d’histoire comptent pour rien dans notre mémoire.
La France ne saurait être la France sans la grandeur : évidence à la fois salvatrice et accablante. Que nous soyons la septième ou l’antépénultième puissance économique de la planète n’a pas beaucoup d’intérêt, il faut que le génie français ébahisse le monde. Je le crois encore vivant, telle une braise de l’esprit sous la cendre du mercantilisme ; cette foi naïve est un des ressorts de mon patriotisme.
H
Hansi
On oserait presque affirmer que Jean-Jacques Waltz (1873–1951), alias Hansi, a inventé l’Alsace et l’a offerte gracieusement aux Français dits « de l’intérieur ». C’est une Alsace toute d’imagerie, de belle imagerie, joyeusement campagnarde, malicieusement enfantine et qui ne lésine pas sur les cinq c : la coiffe, la cigogne, la choucroute, les colombages, la cathédrale. Pourquoi pas ? Graphiste polyvalent mais dessinateur et même peintre dans l’âme, Hansi a grandi à Colmar dans l’Alsace impériale de Guillaume II et de Bismarck. Il en a conçu une vindicte qui s’est libérée en textes et illustrations d’un antigermanisme féroce dans les revues locales puis dans des albums. Polémiste redouté, proche des milieux politiquement hostiles à l’occupation allemande, il fut condamné à une peine de prison par un tribunal de Leipzig, s’enrôla en 1914 dans les services de propagande de l’armée française et devint après Rethondes le héros de l’Alsace libérée. Il s’est auto-baptisé Oncle Hansi pour signer une histoire de l’Alsace racontée aux petits, textes et dessins, où la France a le beau rôle : elle civilise et elle instruit. Le Germain endosse celui du barbare, encore plus bête que méchant. Succès garanti à l’époque sur les deux versants des Vosges. Son patriotisme exulte sans retenue dans ses dessins faussement naïfs : les enfants brandissent tous des fanions tricolores, les soldats français en uniforme et calots beiges sont tous des héros ; même les cigognes sur les cheminées ont l’air de se réjouir quand les Allemands décampent. Hansi, lui, devient un mythe vivant, le miroir d’une « Alsace heureuse » que ses dessins popularisent jusqu’aux confins de l’Hexagone. On le nomme conservateur du musée Unterlinden de Colmar, sa ville natale, instituée capitale de son royaume intime. La ville idéale des dessins de Hansi, c’est toujours un abrégé de Colmar. Les Allemands qui s’adonnent au tourisme, affublés d’un rücksack, d’un chapeau tyrolien et d’une paire de binocles, sont hébétés, lourdauds et faméliques. Le proviseur du lycée de Colmar, surnommé « Kneisse » dans un album, est un cuistre ignare armé d’une trique, dont les écoliers se moquent. Eux, ils sont malins et primesautiers. Les Allemands reviennent en 1940, hélas, blindés, cuirassés et pas pour faire du tourisme. Hansi se réfugie en zone libre, près d’Agen où la Gestapo commandite son passage à tabac. Nouvelle libération. L’Alsace renoue avec la liesse de 1918, mais brièvement et non sans malaise (le Struthof, le sort des juifs alsaciens, les « malgré nous »). La France et l’Allemagne sont sur le point de se rabibocher à l’initiative notamment de l’Alsacien Robert Schuman quand Hansi meurt, en 1951, à Colmar comme il se devait. Ses compatriotes auraient presque envie de l’oublier tant son antigermanisme offusque l’air du temps. Mais où que l’on aille en Alsace, ses dessins ornent des calendriers, des napperons, des assiettes, des cendriers, des cartes postales — c’est le lieu commun des boutiques à touristes. Quel enfant né dans l’après-guerre ne se souvient des entremets Alsa avec sur les sachets la jeune Alsacienne à la coiffe noire en forme de papillon comme sur les dessins de Hansi. Elle a beau n’avoir été d’usage que dans les campagnes autour de Strasbourg, elle s’est installée dans les imaginaires. Même dans nos anciennes colonies, on connaissait de vue l’enseigne signée Hansi des Potasses d’Alsace : une cigogne et la cathédrale de Strasbourg. Dans ses albums, la flèche unique est toujours chapeautée d’un fanion tricolore et les enfants, tous d’une candeur angélique, portent comme des ostensoirs les tartes et le kouglof, symboles d’une opulence convoitée par les hordes germaniques. Ne sourions pas trop vite : les clichés de Hansi ne comptent pas pour rien dans la sympathie que nous inspire l’Alsace. Ces villages du vignoble adossés au piémont des Vosges, dont les atours nous fascinent, semblent tous enfantés par sa plume tendre et espiègle, naïve si l’on veut ; mais réaliste dans ses moindres détails. Indéniablement, l’Alsace de Hansi existe « pour de vrai », comme disent les enfants. À Colmar cela va sans dire mais aussi à Sélestat, haut-lieu de l’humanisme rhénan, autour de ses deux clochers, le roman et le gothique. Elle est « live » à Strasbourg dans la « petite France », à Wissenbourg au long de ses canaux, et bien évidemment sur ce vignoble qui de Thann à Holsheim égrène ses villages multicolores, fleuris comme des épousées, toisés par le Haut-Konigsbourg revu par un Viollet-le-Duc prussien et surtout par le mont Sainte-Odile d’où se profile dans la plaine embrumée la flèche de la cathédrale de Strasbourg. Toujours cette flèche évocatrice de séquence héroïques — la II
Перед Вами статья из особого сборника, в котором есть сведения не только о самых богатых людях современности, но и тех, кто явился «основоположниками» данной категории населения, - исторические личности, основатели крупнейших богатейших компаний и т. д Этот цикл статей посвящен создателям всемирно известных брендов, самыми богатыми людям в своих узких кругах, например - спортсмены, актеры, политики. И, конечно же, в этом списке нашли свое место российские олигархи и бизнесмены.Одни мечтают стать богатым и жить в достатке, другие порицают людей, которые стремятся к личному материальному успеху.
Ободряющее пособие для пьющего, пившего, собирающегося выпить…Поразительная история — такой книги в России не было. Нет, конечно, были всякие рецепты, анекдоты про пьянства, правила этикета, рассуждения о том, что такое правильное питие, а что — неправильное, злостное. Никто не написал слов, которые бы ободрили пьющего, пившего, собирающегося выпить человека в эту, безусловно, трудную минуту его жизни. Один умный приятель парафразировал: не пить в России — больше, чем не пить. Представляете, что значит пить в России — насколько это больше!
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В данном справочнике представлены самые полные и актуальные сведения, касающиеся инфекционных заболеваний детей. Описаны причины возникновения и механизмы развития основных детских заболеваний. Дана их четкая классификация. Рассмотрены современные методы диагностики и лечения болезней. Полезными окажутся советы по укреплению иммунитета, профилактике и мерам предосторожности.Практические рекомендации специалистов и полезная информация помогут родителям вовремя распознать болезнь ребенка, принять своевременные меры по лечению, не допустить обострений и свести к минимуму вероятность заражения инфекционными заболеваниями в будущем.
Принят Государственной Думой 22 декабря 2004 года Одобрен Советом Федерации 24 декабря 2004 года (в ред. Федеральных законов от 31.12.2005 N 199-ФЗ, от 18.12.2006 N 232-ФЗ, от 29.12.2006 N 250-ФЗ, от 29.12.2006 N 251-ФЗ, с изм., внесенными Федеральным законом от 29.12.2006 N 258-ФЗ)
В книге рассказывается история главного героя, который сталкивается с различными проблемами и препятствиями на протяжении всего своего путешествия. По пути он встречает множество второстепенных персонажей, которые играют важные роли в истории. Благодаря опыту главного героя книга исследует такие темы, как любовь, потеря, надежда и стойкость. По мере того, как главный герой преодолевает свои трудности, он усваивает ценные уроки жизни и растет как личность.