Том 3. Публицистические произведения - [15]

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Et qu’on ne se laisse pas induire en erreur par cette espèce de bienveillance dédaigneuse que les nouveaux pouvoirs ont jusqu’ici témoignée à l’Eglise catholique et à ses ministres. Ceci est peut-être le symptôme le plus grave de la situation et l’indice le plus certain de la toute-puissance que la Révolution a obtenue. Pourquoi, en effet, la Révolution se montrerait-elle rébarbative envers un clergé, envers des prêtres chrétiens qui, non contents de la subir, l’acceptent et l’adoptent, qui pour la conjurer glorifient toutes ses violences et qui, sans y croire, s’associent à tous ses mensonges? Si dans une pareille conduite il n’y avait que du calcul, ce calcul déjà serait de l’apostasie; mais s’il y entre de la conviction, c’en est une bien plus grande encore.

Et cependant il est à prévoir que les persécutions ne manqueront pas; car le jour où la limite des concessions sera atteinte, le jour où l’Eglise catholique croira devoir résister, on verra qu’elle ne pourra le faire qu’en rétrogradant jusqu’au martyre. On peut s’en fier à la Révolution: elle se montrera en toutes choses fidèle à elle-même et conséquente jusqu’au bout.

L’explosion de Février a rendu ce grand service au monde, c’est qu’elle a fait crouler jusqu’à terre tout l’échafaudage des illusions dont on avait masqué la realité. Les moins intelligents doivent avoir compris maintenant que l’histoire de l’Europe depuis trente-trois ans n’a été qu’une longue mystification. En effet, de quelle lumière inexorable tout ce passé, si récent et déjà si loin de nous, ne s’est-il pas tout à coup illuminé? Qui, par exemple, ne comprend pas maintenant tout ce qu’il y avait de ridicule prétention dans cette sagesse du siècle qui s’était béatement persuadée qu’elle avait réussi à dompter la Révolution par l’exorcisme constitutionnel, à lier sa terrible énergie par une formule de légalité? Qui pourrait douter encore, après ce qui s’est passé, que du moment où le principe révolutionnaire est entré dans le sang d’une société, tous ses procédés, toutes ses formules de transactions ne sont plus que des narcotiques qui peuvent bien momentanément endormir le malade, mais qui n’empêchent pas le mal de poursuive son cours?

Et voilà pourquoi, après avoir dévoré la Restauration qui lui était personnellement odieuse comme un dernier débris de l’autorité légitime en France, la Révolution n’a pas mieux supporté cet autre pouvoir, né d’elle-même, qu’elle avait bien accepté en 1830 pour lui servir de compère vis-à-vis de l’Europe, mais qu’elle a brisé le jour où, au lieu de la servir, ce pouvoir s’est avisé de se croire son maître.

A cette occasion, qu’il me soit permis de faire une réflexion. Comment ce fait-il que parmi tous les souverains de l’Europe, aussi bien que parmi les hommes politiques qui l’ont dirigée dans ces derniers temps, il n’y en a eu qu’un seul qui de prime abord ait reconnu et signalé la grande illusion de 1830 et qui depuis, seul en Europe, seul peut-être au milieu de son entourage, ait constamment refusé à s’en laisser envahir? C’est que cette fois-ci il y avait heureusement sur le trône de Russie un Souverain en qui la pensée russe s’est incarnée, et que dans l’état actuel du monde la pensée russe est la seule qui soit placée assez en dehors du milieu révolutionnaire pour pouvoir apprécier sainement les faits qui s’y produisent.

Ce que l’Empereur avait prévu dès 1830, la Révolution n’a pas manqué de le réaliser de point en point. Toutes les concessions, tous les sacrifices des principes faits par l’Europe monarchique à l’établissement de Juillet dans l’intérêt d’un simulacre de statu quo, la Révolution s’en empara pour les utiliser au profit du bouleversement qu’elle méditait, et tandis que les pouvoirs légitimes faisaient de la diplomatie plus ou moins habile avec de la quasi-légitimité et que les hommes d’Etat et les diplomates de toute l’Europe assistaient en amateurs curieux et bienveillants aux joûtes parlementaires de Paris, le parti révolutionnaire, sans presque se cacher, travaillait sans relâche à miner le terrain sous leurs pieds.

On peut dire que la grande tâche du parti, durant ces dernières dix-huit années, a été de révolutionner de fond en comble l’Allemagne, et l’on peut juger maintenant si cette tâche a été bien remplie.

L’Allemagne assurément est le pays sur lequel on s’est fait le plus longtemps les plus étranges illusions. On le croyait un pays d’ordre, parce qu’il était tranquille, et on ne voulait pas voir l’épouvantable anarchie qui y avait envahi et qui y ravageait les intelligences.

Soixante ans d’une philosophie destructive y avaient complètement dissous toutes les croyances chrétiennes et développé, dans ce néant de toute foi, le sentiment révolutionnaire par excellence: l’orgueil de l’esprit, si bien qu’à l’heure qu’il est, nulle part peut-être cette plaie du siècle n’est plus profonde et plus envenimée qu’en Allemagne. Par une conséquence nécessaire, à mesure que l’Allemagne se révolutionnait, elle sentait grandir sa haine contre la Russie. En effet, sous le coup des bienfaits qu’elle en avait reçus, une Allemagne révolutionnaire ne pouvait avoir pour la Russie qu’une haine implacable. Dans le moment actuel, ce paroxysme de haine paraît avoir atteint son point culminant; car il a triomphé en elle, je ne dis pas de toute raison, mais même du sentiment de sa propre conservation.


Еще от автора Федор Иванович Тютчев
Конь морской

В сборник входят стихотворения: «Конь морской», «Зима недаром злится… «Листья», «Есть и осени первоначальной…» и другие. Комментированное издание. Составление и пояснительный текст Н. П. Суховой. Художник Л. Дурасова. Содержание: Н.П. Сухова. К читателю (статья) I. ДЕНЬ И НОЧЬ Утро в горах Полдень «Смотри, как роща зеленеет…» «В небе тают облака…» Вечер «Под дыханьем непогоды…» Летний вечер «Не остывшая от зною…» «Как хорошо ты, о море ночное…» «Тихой ночью, поздним летом…» «Песок сыпучий по колени…» Декабрьское утро II.


Полное собрание стихотворений

Это издание — самое полное собрание стихотворений Ф. И. Тютчева. Стихотворения расположены в книге в хронологическом порядке. Имеется раздел «Приложения», материал которого сгруппирован под рубриками: I. Детское стихотворение, II. Стихотворные шутки и телеграммы, III. Стихотворения, написанные во время предсмертной болезни, IV. Коллективное, V. Стихотворения, приписываемые Тютчеву, VI. Стихотворения, написанные на французском языке (сопровождаемые переводами на русский язык). За «Приложениями» следует раздел «Другие редакции и варианты».http://rulitera.narod.ru.


Любовники, безумцы и поэты…

Гениальный поэт, живший на пересечении ХIХ и ХХ веков, Федор Тютчев львиную долю своего творчества посвятил России. Его поэзия переполнена любовью к стране, в которой он жил и для которой писал.


Наш Современник, 2003 № 12

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В шестой том Полного собрания сочинений Ф. И. Тютчева включены письма последнего периода жизни и творчества поэта (1860–1873 гг.) на русском и французском языке (последние в оригинале и в переводе), а также комментарии к ним. http://rulitera.narod.ru.


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Первое полное научное издание поэтического, публицистического и эпистолярного наследия известнейшего поэта и общественного деятеля Федора Ивановича Тютчева (1803-1873).В первом томе - стихотворения 1813-1849 гг., другие редакции и варианты, переводы стихотворений, написанных автором на французском языке. http://rulitera.narod.ru.